Interdiction des coupures d'eau : le Conseil constitutionnel est saisi !!

Publié le par Parti de Gauche 94 Nord

Delphine Fenasse

Par Delphine Fenasse, Conseillère municipale déléguée au Sédif

 

Arnaud C. vit à Saint-Ouen dans la Somme. Dans une situation financière difficile, en 2012, il a déposé un dossier auprès de la commission de surendettement, lequel a été jugé recevable. En février 2013, Arnaud a sollicité de la société SAUR, son distributeur d'eau; des échéanciers pour lui permettre de régler sa facture d'eau qui s'élevait alors à 278, 13€. La société SAUR n'a jamais répondu à cette demande.
Après un avis de fermeture du 26 mars 2013, la société SAUR s'est au contraire déplacée au domicile d'Arnaud pour couper son alimentation en eau au mois d'avril 2013, en raison du non paiement de sa facture, l'alimentation en eau ne pouvant être rétablie qu'après complet règlement de sa facture. .
Malgré cette coupure, il a reçu, entre le mois d'avril 2013 et le mois de mai 2014, de nouvelles factures de la société SAUR pour une consommation d'eau qu'il n'a pu avoir ! Privé d’eau pendant 18 mois, il a alors assigné la SAUR devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) d’Amiens pour coupure d’eau illégale, celles-ci étant interdite par l'article L. 115-3 du Code de l'action sociale et des famille introduit pas la loi Brottes de 2013.
Ne s'arrêtant devant aucune mauvaise foi, la SAUR a profité de l'occasion pour demander au TGI de saisir de la Cour de cassation d'une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La SAUR soutenait en effet que l'article L. 115-3 du CASF est "contraire aux principes constitutionnels de la liberté contractuelle, de la liberté d'entreprendre" ! En clair, le droit des contrats et le droit des affaires doivent primer sur le droit d'accès à l'eau !!! La SAUR démontre ainsi que son approche n’est en aucun cas celle d’un service public mis en œuvre dans l’intérêt général. Elle démontre également qu’elle est à l’image d’une société du tout économique qui oublie l’essentiel que sont les droits fondamentaux à la vie.
Dans un jugement du 19 décembre 2014, le TGI a ordonné la réouverture du branchement en eau de la résidence d'Arnaud sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard mais a fait droit à la demande de saisie de la Cour de cassation.
Cette dernière, dans un arrêt du 25 mars 2015, a décidé de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel.
Elle a jugé que "la disposition contestée, qui interdit, dans une résidence principale, l’interruption, y compris par résiliation du contrat, pour non-paiement des factures, de la distribution d’eau tout au long de l’année, est susceptible de porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle, à la liberté d’entreprendre et à l’égalité des citoyens devant les charges publiques, en ce qu’elle interdit aux seuls distributeurs d’eau, à la différence des fournisseurs d’électricité, de chaleur ou de gaz, de résilier le contrat pour défaut de paiement, même en dehors de la période hivernale, sans prévoir aucune contrepartie et sans que cette interdiction générale et absolue soit justifiée par la situation de précarité ou de vulnérabilité des usagers bénéficiaires."
Il reviendra donc au Conseil constitutionnel de se prononcer sur l’interdiction des coupures d’eau introduite par la loi Brottes en 2013.
Mais la SAUR n'est pas le seul vautour.
Veolia, délégataire du Syndicat des Eaux d’Île-de-France (Sedif), dont le sénateur Cambon est vice-président et dont le Parti de gauche a dénoncé l'amendement visant à rétablir les coupures d'eau pour impayés, a coupé l’alimentation en eau d’un immeuble entier, prenant en otage 9 familles d’Epinay‎-sur-Seine, pour un différend avec le syndic de l’immeuble.
En ne prévoyant aucun dispositif de sanction à l'encontre de son délégataire pour non respect de la loi Brottes, le Sedif illustre sa complaisance avec l’utilisation systématique et en premier lieu de la coupure d’eau par Veolia et les distributeurs, alors que d’autres moyens existent.
À quelques semaines du rendu de sa décision, le Parti de gauche appelle le Conseil constitutionnel à prendre en compte l’ampleur du problème : 500 coupures d’eau par an à Avignon (sur 45.000 usagers), 750 coupures et 2000 «lentillages» (qui réduit le débit à un filet d’eau) à Lyon en 2012 sur 260.000 abonnements. 

L'eau n'est pas une marchandise !

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Publié dans Parti de gauche

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